11 mars 1944, 8 heures du matin. Comme chaque jour, l’avoué Jean Suraud rejoint son bureau Avenue de la Gare à Moûtiers. Il se frotte les yeux en découvrant un étrange déballage devant l’hôtel Terminus où séjournent les troupes allemandes : on décharge à même le trottoir des fusils, des mitraillettes, mitrailleuses, caisses de munitions et autres matériels …
Bien que lieutenant A.S, il ne sait pas ce qui est arrivé durant la nuit. Il s’éloigne, revient vers le Square de la Liberté et monte en direction de l’hôpital. Derrière celui-ci, il entre dans le café Guillet, l’un des points de rendez-vous pour les résistants. Charlotte Guillet l’accueille d’une manière un peu brutale : « Qu’est-ce que vous fichez encore ici ? Tout le monde est parti à Mâcot suite au parachutage ! »
Suraud rentre chez lui pour prévenir son épouse qu’il sera sans doute absent quelques jours et il part sur sa moto : Aime, Mâcot, Bonnegarde. Là, il faut attendre une benne du câble téléphérique qui descend les minerais, mais qui sert aussi à monter les hommes. Lorsqu’il arrive à destination, Suraud découvre une petite fourmilière, il y a de nombreux gars qui sont là : certains à ski, d’autres à raquettes. La mission est simple : ramasser au plus vite tout ce qui a été largué par 12 avions britanniques – sachant que ce qu’il avait vu à Moûtiers c’était le largage manqué du 13ème avion sur l’usine de Pomblière et il est bien évident que les Allemands avaient mis la main sur le contenu de ce malencontreux largage.

Un container largué sur le site de La Plagne a été placé dans le Musée des Traditions Populaires de Moûtiers
(le parachute provient d'un largage dans l'Ain)
Il y a surtout de gros containers cylindriques dans lesquels l’on trouve armes, munitions et matériels divers. Tout se fait dans un ordre digne de magasiniers : une fois récupérés, les matériels sont conduits dans la mine où ils vont être répartis entre plusieurs galeries mais avant cela un inventaire méticuleux est fait. C’est Joseph Bardassier qui supervise, il est aidé dans cette mission par Hervé Eyvrard, ancien huissier de justice à Moûtiers, remercié par Vichy à cause de son appartenance à la Franc-Maçonnerie. Quoiqu’il en soit, les inventaires il sait faire.

Une page de l'un des Carnets Bardassier relatif au parachutage de La Plagne
© Famille Bardassier - Musée des Traditions Populaires de Moûtiers
(reproduction interdite sans autorisation du Centre Culturel Marius Hudry)
Il y a aussi Louis Sibut qui va jouer un rôle essentiel durant la semaine qui va voir ces grandes manœuvres de récupération : assurer le gîte et le couvert. Tout cela se fait, il va de soi, avec la complicité bienveillante des autorités de la mine. Quant au ravitaillement, de manière préventive, le 09 mars, la Fruitière de Peisey avait été « visitée » pour faire le plein en Beaufort et, à la descente, effectuée grâce à un camion de la mine qui était allé à celle de Peisey, nouvelle visite, cette fois à la Fruitière de Landry pour récupérer du beurre. Tout cela est prescrit et comme avait l’habitude de dire Joseph Bardassier : il valait mieux que nous le prenions plutôt que les Allemands !