Le parachutage de La Plagne, dans la nuit du 10 au 11 mars 1944, est un tournant dans l’histoire de la Résistance en Tarentaise. Ce parachutage est à situer dans le cadre de la Mission Union et il supposait qu’une structure pérenne soit mobilisable – le Corps franc – même s’il faudra mobiliser beaucoup plus d’hommes face à l’ampleur de ce premier largage en Tarentaise.
Il y avait deux plans possibles : soit le Quermoz, au-dessus d’Hautecour-Montgirod, soit La Plagne. L’hypothèse du Quermoz a la préférence de Londres car l’approche par les avions est plus facile ; mais la Résistance locale fait valoir que le site est difficile d’accès (l’hiver 1943-44 a vu d’importantes chutes de neige) et, pour le stockage sur place, il n’y a que quelques halles d’alpage et arbés. L’hypothèse La Plagne présente un risque majeur pour les avions : le site est entouré de sommets et les avions doivent descendre à basse altitude pour larguer. Par contre, c’est l’hypothèse privilégiée par le Secteur III bis, en particulier Joseph Bardassier qui connaît bien le site. Il y a sur place deux maquis que supervise Bardassier depuis l’été précédent, il y a la proximité de la mine de plomb argentifère (La Roche) avec, en particulier l’ingénieur Ilia Goloubinow, et bien d’autres responsables favorables à la Résistance. Les galeries pouvaient devenir d’excellentes caches avant la répartition des matériels et même pour des stages d’entrainement au maniement des armes reçues.

Septembre 1943 : Joseph Bardassier (2ème à droite) fait les premiers repérages sur le site des mines de La Plagne
et va y installer les maquis des réfractaires au STO
C’est le major Thackthwaite de la Mission Union qui va venir évaluer les forces tarines et décider de l’opportunité d’un parachutage et du lieu. Il circule sous le nom de monsieur Henry et se présente comme voyageur de commerce, représentant en apéritifs. Il est fortement impressionné par l’importance et la bonne organisation de la Résistance tarine. Il estime à 13 avions la jauge nécessaire (soit environ 12 tonnes de matériels). Par contre il redit la difficulté d’un largage sur La Plagne. Il révèle enfin le message qui sera diffusé par la radio pour l’annonce du parachutage : « Chapeau à casquette ».
Le 10 mars à midi, Bardassier, le major Thackthwaite et quelques responsables de la Résistance sont dans le chalet de La Plagne qui a été affecté à la Résistance. On allume la radio et l’on entend « Chapeau à casquette ». Bonne nouvelle : c’est pour la nuit suivante. Mauvaise nouvelle : le largage va se faire sous le Quermoz où le terrain n’a pu être préparé. Le major Thackthwaite ne peut rien faire, d’ailleurs son radio n’est plus sur site. L’hypothèse Quermoz, qui d’ailleurs n’est plus une hypothèse, semble vouée à l’échec. Bardassier et Louis Sibut, en accord avec le major Thackthwaite, font un pari audacieux : les avions vont s’engager dans la vallée de Haute-Tarentaise, si le site de La Plagne est suffisamment rendu visible, le largage à La Plagne peut être tenté.
Ce qui va suivre est à des années-lumière des moyens dont disposent les troupes d’aujourd’hui. Un premier temps se fait à l’oreille. Il faut rapidement déceler le vrombissement des appareils volants. A ce moment il faut allumer des feux (carbure et dynamite). Heureusement, l’un des pilotes a perçu le site ; Joseph Bardassier avec une lampe torche fait la lettre convenue pour confirmer le site. Et le largage commence. Malheureusement l’un des pilotes, en passant sur l’usine de Pomblière, a pensé être sur zone en voyant les lumières. Le contenu d’un avion est donc perdu, aux mains des Allemands. Par contre, environ douze tonnes de matériels largués par 12 des 13 avions sont à récupérer et à planquer au plus vite.
(à suivre)