Le "coup de main" du tribunal de Moûtiers

Le "coup de main" est une action caractéristique de la Résistance. On peut le définir comme une intervention de surprise, à caractère hardi et brutal, mais circonscrite dans le lieu et le temps. Il peut prendre une dimension militaire ; il fait partie d’une stratégie et d’une tactique délibérée, celles de la guérilla.

Les quelques sizaines moûtiéraines devaient se sentir bien démunies face aux Allemands installés dans la cité en 1943. Après le départ des Italiens, les Allemands ont installé à Moûtiers deux unités différentes : la Feldgendarmerie à l’hôtel Terminus, près de la gare, qui comportait 40 à 50 hommes avec un adjudant ou un lieutenant et la douane (Grenzpolizei) formée d’éléments plus âgés au nombre de 10 ou 12, installés à l’hôtel Moderne. Outre un armement collectif, chacun de ces soldats avait son arme personnelle.

En face ? Rien, sinon quelques carabines de chasse. Une idée va alors naître : Moûtiers a un tribunal et dans les locaux du greffe il y a les armes saisies lors des affaires jugées et ces armes sont dans une armoire, conservées comme pièces à conviction. Est-il possible de les dérober ?

 

Trib

Nous sommes au mois de novembre 1943 ; c'est Lungo lui-même qui pilote l'opération. Il est entouré de Suraud qui va servir de guide car son mitier d'avoué fait qu'il a une bonne connaissance des lieux. Le commando comporte 7 ou 8 individus et la consigne a été donnée de se retrouver pour 20 h 30 à proximité du tribunal en évitant d'être trop regroupé. Le couvre-feu était alors à 22 heures.

Dans un premier temps, seul le serrurier Dumont gravit l’escalier et en un tour de main il crochète la serrure, d'autant plus facilement que c'est lui qui l'avait placée. Un signe discret de Lungo signifie à chacun qu'il faut hâter le pas vers le bâtiment et s'y engouffrer avant de refermer la porte.

Sureau conduit la troupe jusqu'à la porte du greffe dont la serrure ne résistera pas plus que celle de la porte d'entrée sous les doigts de Dumont. Tous passent alors dans l’arrière bureau du greffier où se trouve l'armoire convoitée. Quelques fusils de guerre ou de chasse, des pistolets et revolvers et des munitions saisies et confisquées aux braconniers de Tarentaise attendent l'Armée des Ombres. 

C'était loin d'être l'armurerie d'un régiment mais, selon le témoignage de Sureau, "nous étions tous assez chargés pour emporter l’ensemble de ces armes dont les Allemands ignoraient probablement l’existence – Sans quoi bien sûr !"

Un dernier épisode et non des moindres : Lungo savait qu'il lui faudrait transmettre des messages. Pas question de messages manuscrits qui auraient été trop dangereux. Même les machines à écrire étaient dangereuses car chaque machine avait une police et une seule, variable suivant les marques. Donc on pouvait facilement remonter de la police de la machine à son propriétaire, d'autant plus qu'il y en avait relativement peu à Moûtiers à cette époque. Idée de génie de Lungo : si une machine à écrire peut être reconnue, alors autant choisir la machine que tout le monde connaît ; au dernier moment Lungo décide d'emporter la machine à écrire du greffier, bien pratique pour le courrier de l’AS ainsi authentifié sans risque. 

 

Lot

Date de dernière mise à jour : 29/12/2023